De l’expérience à la transformation

De l’expérience à la transformation…Commençons par l’expérience…

Comme je vous en parlais lors de la 6e édition d’Innovation Weekly, la tendance du moment dans le commerce et le e-commerce est l’expérience.

Cette tendance n’est pas nouvelle. Elle est apparue en 1970 ! Par contre elle permet d’illustrer les différences de maturité entre les différents secteurs économiques (comparez l’accueil que vous recevez quand vous entrez dans un Apple store ou dans une enseigne de grande distribution.) et les pays (Comparez l’Allemagne, l’Angleterre et la France par exemple.).

Pourtant on parle plus que jamais de l’expérience, car elle semble être la réponse la plus évidente à ce que Steve Howard – le responsable développement durable d’Ikea – appelle le « peak Stuff» – que l’on pourrait traduire en français par le « Pic trucs » (ou pic choses) qui fait référence au légendaire pic pétrolier.

De l'expérience à la transformation

Le pic truc est la suite logique d’un mouvement global identifié pour la première fois en 2001 en Angleterre qui se réduit en 4 mots : avoir moins, être plus.

Depuis nous avons atteint d’autres pics : le Pic viande rouge, le Pic sucre, le pic tabac et le pic alcool qui traduit clairement que l’on préfère faire des choses plutôt que d’acheter des trucs.

Alors d’où vient cette tendance et comment passer à l’économie de l’expérience ?

Futur Shock

 La notion d’« Expérientiel » apparaît pour la première fois dans le bestseller Future shock de Alvin Toffler publié en 1970.

Alvin Toffler, c’est le Elvis de la futurologie, le Lou reed de l’anticipation et l’Oppenheimer des business model modernes.

Dès 1970, il décrivait :

  • Le passage du construit pour durer (vedette) au jetable (Bic)
  • Les changements de design qui poussent à l’achat avant la fin d’usage du produit (Apple)
  • La possibilité de louer plutôt que d’acheter réduisant le besoin de propriété au profit de l’usage (Spotify)
  • La nomadisation des travailleurs (Freelance)
  • L’obsolescence de plus en plus rapide des compétences demandant de se former tout au long de sa carrière
  • > Le développement de relations plus superficielles avec plus de personnes (Facebook)

Pour lui, ces changements introduits par les transformations technologiques et sociales de plus en plus rapides étaient autant de chocs provenant du futur – d’où le titre de son bouquin – qui allaient nous laisser stressés et désorientés.

Il critiquait les économistes qui n’arrivaient pas à imaginer un système alternatif au capitalisme en restant bloqué sur une définition de l’économie basée sur 1/la rareté des ressources et 2/la définition de la valeur d’un bien selon la quantité de travail nécessaire à sa fabrication.

A la fin de son bouquin, il prédit une industrie expérientielle dans laquelle les consommateurs seraient prêt à dépenser plus pour une d’expérience vécue qui dépasserait le simple acte d’achat.

De l'expérience à la transformation

Expérience

Arrive ensuite en 82  Holbrook and Hirschman, des chercheurs en marketing de l’université de Columbia qui publient dans le Journal of Consumer Research une étude sur l’aspect expérientiel de la consommation en s’intéressant notamment à l’expérience émotionnelle vécue par le client lors de l’achat d’un produit ou d’un service. « The Experiential Aspects of Consumption: Consumer Fantasies, Feelings, and Fun » in the Journal of Consumer Research (Vol. 9, #2).

Ils soulignent qu’il pourrait être intéressant d’étudier le rôle de l’esthétisme du produit, de son aspect multisensoriel et du plaisir tiré de l’acte d’achat.

Et c’est là qu’entrent en scène Pine et Gilmore dans leur article de juillet 1998 dans le Harvard Business Review du moment qui illustrent les 4 phases de l’histoire de l’économie en utilisant un gâteau d’anniversaire :

  1. Economie des ressources naturelles (commodité) : maman utilise des produits de commodité (œuf, farine) et fait un gâteau.
  2. Economie Industrielle (produit) : maman ou pap achète un kit dans lequel il faut ajouter un œuf et du lait. (francorusse)
  3. Economie de service : maman ou papa commande un gâteau à la Boulangerie qui livre le gâteau.
  4. Economie de l’expérience : les parents amènent les enfants chez macdo qui met en scène l’anniversaire.

C’est encore plus parlant avec les taxis.

  1. Vous avez un cheval.
  2. Vous avez une voiture.
  3. Vous avez un taxi.
  4. Vous avez un VTC

Depuis 1998, de nombreuses études tendent à prouver que l’expérience est en train de devenir le nerf de la guerre, comme l’étude American Express de 2013 qui a trouvé que les clients seraient prêts à payer 14 % de plus auprès des entreprises qui ont un excellent service client.

Dans le B to B selon le Benchmark Zendesk sur l’engagement et la satisfaction du service client mesuré dans 140 pays en 2014, 85 % des entreprises dans le monde seraient prêtes à payer 25 % de plus pour une meilleure expérience !

Comment passer à l’expérience ?

Je vous propose 10 pistes à étudier pour passer de la vente à l’expérience :

1 > Avoir un thème fort :  prenez par exemple « RH » de Chicago qui a éliminé la frontière entre espace de réception et retail puis entre maison et hospitalité pour proposer des services de décoration intérieure avant de transformer leur boutique en restaurant dans lequel tout se vend. Pas d’hôtesse, vous vous asseyez, vendeurs et serveurs viennent se renseigner de votre demande – tout ce que vous voyez peut-être acheté et vous pouvez manger ou que vous vous asseyez

Bien sûr, n’oubliez pas de créer des impressions qui nourrissent le thème : par exemple Nespresso qui pour insister sur le côté luxueux de leur produit vous donne votre sac avec les 2 mains. il ne doit pas être si lourd que ça pourtant…

2 > Engager les 5 sens : le cas d’école est la banque de la cote ouest américaine Umpqua qui s’est inspiré des 5 sens pour réaménager leurs agences. – pardon, leurs boutiques :

  • La vue : ils ont fait un mix entre un Starbucks, un espace de coworking, une salle de conférence, une salle de jeu et une gallerie d’art.
  • L’ouïe (de funès) : ils ont une ambiance musicale d’artistes locaux, un podcast et une chaîne YouTube.
  • L’odeur : l’odeur de café bien sûr. Vous pouvez profiter d’une tasse de café de leur recette déposée, qui se vend aussi au kilo.
  • Le goût : à la fin de chaque transaction, devinez quoi…une pièce au chocolat vous est offerte.
  • Le toucher : des écrans tactiles vous permettent de faire des simulations et des jeux vidéo sont à disposition dans certaines agences.

3 > Retirer les obstacles rencontrés par vos clients : et pas seulement au moment de l’achat ! La vraie expérience client commence quand votre produit ou service ne fonctionne plus ! Demandez à Zappos (qui ont été copiés par Zalendo) qui détient depuis 2012 le record du monde de durée d’appel de Customer care qu’ils ont eux-mêmes battu le 11 juillet 2016 et qui est de 10 heures et 43 minutes. Espérons que ce n’était pas pour une paire d’Ugg.

Autre chose : toujours proposer le remboursement et pas un avoir qui fait petit joueur !

4 > Favoriser l’immersion : Regardez Niketown store soho qui est équipé de tapis roulants et d’un terrain de basket pour essayer les produits. Une autre façon de créer de l’immersion est d’utiliser la réalité virtuelle (VR en anglais) comme Lego qui utilise les boites de ses produits comme support

5 > Miser sur la co-création : restons avec Lego qui ligne utilise la co-création en ligne avec Lego ideas ou les passionnés proposent des modèles pour lesquels la communauté vote. Les projets vainqueurs sont transformés en kits qui sont commercialisés. Les vainqueurs gagnent…Devinez quoi… des legos bravo…d’une valeur de 560 € prix de vente. Le résultat des ventes lui est gardé par Lego.

6 > Simplifier : Nordstrom local est comme un catalogue en vrai. Une seule taille par vêtement, vous essayez, commandez et recevez votre achat dans la journée. Vous avez aussi un « Bar à style » ou des stylistes peuvent vous conseiller. Vous disposez également du Click & collect si vous commandez en ligne.

7 > Sortir de la logique stock :proposer une expérience, c’est proposer une histoire à vos clients qui leur parle, pas leur présenter tout votre stock sur les murs ! C’est comme « Story » …pas « footlocker »

Story est un magasin situé sur la 10e à Manhattan. C’est un concept store qui va encore plus loin que n’allait feu collette ou le Conran Shop en prenant le point vu d’un magazine, qui change comme une galerie d’art et vend comme une boutique. C’est comme un musée, mais à l’envers ! Sur des rotations de 1 à 2 mois, le magasin se réinvente sans arrêt – de son aménagement aux produits présentés. Le ROI est mesuré en termes « d’expérience par mètre carré. ”

9 > Recruter pour partager une expérience pas pour vendre. Tout le monde ne dispose pas de l’esprit d’accueil que les Japonais appellent Omotenashi  comme chez Sephora. De même, les directeurs d’Apple store ne connaissent pas les chiffres des ventes de leur magasin.

10 > Trouver l’effet unique et différentiant « l’effet WOW » : chez Umpqua chaque boutique est équipée d’un téléphone argenté qui permet de contacter le PDG en direct. Un peu extrême mais efficace !

11 > Humanisez même les points de contacts digitaux. Il est possible d’humaniser une expérience 100 % digitale. Il peut s’agir de chose toute simple comme des photos de l’équipe sur les murs (comme à Starbucks) le «High five» de Mailchimp qui apparaît quand vous envoyez une newsletter. Visitez http://littlebigdetails.com pour des exemples

12 > Pensez à l’expérience de vos salariés d’abord ! 

Et bien sur l’expérience est arrivé dans le monde des RH et du management. On parle d’expérience salariée qui décrit les interactions et expériences vécues par un collaborateur dans les moments clé de son parcours comme dans son quotidien professionnel.

Dans le recrutement, c’est Starbucks qui s’est aperçu que si l’entreprise se fâchait avec les 3 millions de candidats qui déposent leur CV chaque année cela pourrait engendrer des pertes potentielles de plus de 20 millions de dollars.

Depuis, mystery applicant propose de faire des candidatures mystères comme il y a des clients mystères pour évaluer l’expérience vécue par les candidats de leur dépôt de candidature à l’entretien avec le recruteur.

Regardez aussi ce que fait ETSY avec son index du bonheur basé sur la théorie PERMA du bien-être, regardez ce que fait Adobe qui a éliminé les entretiens d’évaluations annuels pour des rencontres plus informelles et continues tout au long de l’année, ou Twiter avec ses 75 étapes «Yes to desk» de la signature du contrat au bureau –

De l’expérience à la transformation

Si l’objectif final de l’expérience est de passer de la transaction à la relation, cela ne va pas de soi ! Ce qu’Amazon ne semble pas avoir compris alors qu’ils commencent à ouvrir des librairies dénoncées comme froides, sans âme, diabolique et terrible, voire stupide.

En fait, l’expérience est dépassée. Aujourd’hui, il faut se pencher sur la transformation 

Pour passer de l’expérience à la transformation, Il y a une la nouvelle économie – appelons l’expérience 2.0 » ou la 5e économie : l’économie de la transformation qui est une expérience qui résulte dans l’amélioration de votre état physique ou mental.

  • Regardez l’explosion du nombre de coachs de vie popularisés par Youtube – et dénoncé par Capital récemment
  • Regardez ce que fait Apple qui cherche à devenir une destination comme une place de village avec ses événement « Today at Apple ».
  • Regardez ce que fait Nike avec son app nike+ et les challenges du dimanche proposant de courir 5 km
  • Regardez Run Zombie run, Tough mudder ou Headspace

Désormais pour aller de l’expérience à la transformation :

  • Le client n’est plus un client, mais un “guest”.
  • Il ne vient pas pour acquérir un bénéfice, mais avoir une émotion.
  • Il ne vient pas pour du customisé (masse) mais du personnalisé.

Concrètement, vous devez passer d’une approche purement transactionnelle à une approche relationnelle, axée sur le développement de relations solides et durables avec les clients. Cette transformation implique un changement de mentalité et de stratégie, passant de la simple satisfaction des besoins immédiats du client à la création d’expériences significatives et personnalisées qui renforcent la confiance et la fidélité. Voici quelques étapes clés pour passer de l’expérience à la transformation :

  1. Écouter et comprendre : Pour établir des relations solides avec vos clients, il est essentiel de les écouter attentivement et de comprendre leurs besoins, leurs attentes et leurs préoccupations. Utilisez les différents canaux de communication disponibles (réseaux sociaux, enquêtes, appels téléphoniques, etc.) pour recueillir des informations précieuses sur les désirs et les préférences de vos clients.
  2. Personnaliser l’expérience client : Sur la base des informations recueillies, adaptez vos offres, vos services et vos communications en fonction des préférences et des attentes de chaque client. Une expérience client personnalisée renforce la perception d’une entreprise attentive et soucieuse des besoins individuels de ses clients.
  3. Créer de la valeur ajoutée : Cherchez constamment à offrir plus que ce que le client attend. Proposez des services complémentaires, des conseils d’expert, des réductions exclusives ou des avantages fidélité pour renforcer la satisfaction et la fidélité des clients.
  4. Communiquer régulièrement et de manière transparente : Gardez vos clients informés des nouveautés, des promotions et des événements à venir. Communiquez de manière transparente sur les processus, les délais et les coûts, et soyez prêt à répondre aux questions et aux préoccupations de vos clients.
  5. Construire une relation authentique : Soyez sincère, honnête et empathique dans vos interactions avec vos clients. Montrez que vous vous souciez réellement de leur bien-être et de leur satisfaction, et soyez prêt à vous impliquer personnellement pour résoudre leurs problèmes et répondre à leurs besoins.
  6. Mesurer et optimiser : Utilisez des indicateurs clés de performance (KPI) pour évaluer l’efficacité de vos efforts en matière de relations clients. Analysez régulièrement ces données et ajustez votre stratégie en conséquence pour améliorer continuellement l’expérience client et renforcer les relations.

En adoptant ces principes et en plaçant la relation client au cœur de votre stratégie, vous pourrez passer de l’expérience à la transformation, en créant des liens durables et profitables avec vos clients, qui soutiendront la croissance et la réussite de votre entreprise à long terme.

Pour résumer, passer de la transaction à la relation repose sur  

La distraction (entertainment) et donc l’amusement

  1. Pour passer de la simple transaction à une véritable relation avec le client, l’élément clé est de proposer une expérience divertissante et amusante. En effet, le consommateur d’aujourd’hui ne se contente plus d’acheter un produit, il recherche également un moment de plaisir et de détente. Les marques qui sauront créer un univers ludique autour de leurs produits ou services, comme un parcours découverte ou des animations originales, réussiront à capter l’attention et à se démarquer. Un client qui s’amuse est un client qui gardera un excellent souvenir de sa visite et aura envie de réitérer l’expérience.
  2. Le défi est donc de transformer chaque acte d’achat en un moment de distraction agréable. Que ce soit par le biais d’un décor amusant, d’un jeu, d’un petit spectacle ou même d’une expérience en réalité virtuelle, les opportunités de surprendre et d’émerveiller les clients sont nombreuses. Bien plus qu’une transaction, c’est une véritable expérience de divertissement à laquelle les consommateurs aspirent, créant ainsi une relation émotionnelle forte avec la marque.

L’éducation pour repartir plus éduqué qu’à notre arrivée

  1. Au-delà de l’amusement, créer une relation durable avec les clients passe aussi par un enrichissement de leurs connaissances. En effet, les consommateurs modernes sont avides d’apprendre et de se cultiver. Ils apprécient les marques qui prennent le temps de les éduquer sur leurs produits, leur histoire, leur savoir-faire. Cela peut prendre la forme d’ateliers, de visites guidées, de démonstrations ou encore de contenus éducatifs en ligne. L’objectif est que le client reparte avec un bagage de nouvelles connaissances qui lui donne envie d’en savoir plus et de revenir.
  2. L’éducation est un moyen puissant de fidéliser les clients, mais aussi de les valoriser en les faisant se sentir comme des participants actifs plutôt que de simples acheteurs. C’est une relation de transmission des savoirs qui s’instaure, créant une proximité et une complicité entre la marque et le consommateur. Ce dernier se sent alors plus concerné et impliqué, renforçant son attachement à la marque.

L’esthétisme, du produit, de la boite, de la boutique, du site…

  1. Dans un monde saturé de produits et de sollicitations, l’esthétique devient un critère déterminant pour séduire les clients et se différencier. Un objet, un emballage, un site web ou même une boutique physique soignés et esthétiquement réussis sont autant de vecteurs de séduction qui contribuent à créer une expérience mémorable. Le consommateur n’achète plus seulement un produit, il achète une pièce de design qui s’intègre à son univers et reflète son style de vie.
  2. Dépasser la simple transaction implique donc de repenser l’environnement d’achat dans sa globalité pour en faire un véritable écrin mettant en valeur les produits proposés. Une attention particulière doit être portée aux moindres détails, des matériaux utilisés à la qualité des finitions, en passant par l’agencement des espaces et la mise en scène. Un soin esthétique irréprochable deviendra alors la signature de la marque et fera d’elle une référence incontournable aux yeux des clients les plus exigeants.

La co-création, c’est l’idée que le consommateur doit participer à l’expérience pour la rendre mémorable

  1. Pour véritablement créer une relation forte et durable, il est essentiel d’impliquer activement le consommateur dans la conception même de son expérience. En l’invitant à co-créer les produits, les services ou les espaces d’achat, on le rend acteur de sa propre expérience. Il ne se contente plus de consommer passivement mais participe activement à la création de ce qui lui est proposé.
  2. Cette approche participative permet de répondre aux attentes spécifiques de chaque client et d’établir un lien privilégié. Le consommateur se sent écouté, valorisé et développe un sentiment d’appartenance envers la marque. De plus, son implication rendra l’expérience beaucoup plus mémorable, puisqu’il y aura personnellement contribué. La relation à la marque se renforce ainsi considérablement au-delà de la simple acquisition d’un bien ou service.

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