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Innovation : de l’invention à l’intention

Depuis les premiers épisodes de innovation weekly et en conférence, j’essaie de faire la part des choses entre l’invention (résultat), l’environnement de l’entreprise (contexte), la culture de l’innovation (moyens) et l’aventure humaine (méthode).

Je dois le reconnaître, les innovations que je présente, semaine après semaine, ne sont finalement que des « inventions ». Et c’est sans doute un peu trop facile…

Ces innovations (Apple sort un iPhone, Tesla une bagnole, SpaceX une fusée, le Vatican un hackathon,…) sont autant de raccourcis faciles à faire qui ne présentent que le résultat clinique d’une démarche complexe. Et c’est là que le bât blesse, que peut-on apprendre de ces inventions terminées si l’on souhaite devenir une entreprise innovante ?

On ne peut pas partir de l’omelette pour revenir aux ingrédients et aux compétences du cuisiner !

Parler de ces innovations revient à vous servir une omelette à la truffe. C’est bien une omelette à la truffe, mais imaginons que vous souhaitez refaire la même recette. Comment faites-vous ? Où irez-vous acheter vos truffes ? De quelles tailles ? De quelle compétence avez-vous besoin pour les choisir et les cuisiner ? Et de quel matériel ?…*

* Bon, c’est un peu trop simple cette histoire d’omelette, j’aurais dû choisir un homard des îles à la Newburg à la place

L’invention

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D’abord, vous avez l’invention.
L’invention est une idée créative qui devient un prototype en espérant devenir une innovation…Pensez Leonardo da Vinci, pensez Thomas Edison ou Emmet Brown.

Alors certes, l’invention fait entrer l’idée dans le monde physique alors que l’imagination et la créativité sont des processus mentaux. Et certes, contrairement à l’innovation – qui peut être une amélioration continue d’un produit/service/process qui existe déjà – une invention n’existait pas avant.

Mais ce sujet ne m’intéresse pas pour 3 raisons :

> C’est le produit final, quid des personnes qui ont créé cette innovation, des difficultés rencontrées et des obstacles dépassés ?
> Comment reproduire le process d’innovation qui a permis à cette invention de se réaliser ? Dans quel contexte et quelle culture d’entreprise ?
> C’est nouveau donc l’invention n’a pas encore trouvé son public et il peut être parfois difficile de distinguer la mode passagère de l’innovation.

C’est ici que je pense que j’échoue dans innovation weekly. Faire une émission sur les inventions est très facile, il suffit de lire la presse ou d’attendre les communiqués de presse pour être noyé sous les news d’entreprises qui innovent.

C’est la matière première de beaucoup de conférences en innovation. Prenons quelques exemples que vous avez dû croiser :

W.L Gore & Associates, célèbre pour le tissu respirant Gore-Tex qui est aussi leader mondial dans un nombre phénoménal de produits, de la corde à guitare au vaisseau sanguin artificiel en passant par le fil de suture et le câblage aéronautique.
Gilette, qui a toujours 50% du marché mondial en 2017 – même si la chute est rude (70 % en 2010) – avec ses rasoirs comme le Sensor ou le Mach III
Tchibo, ce détaillant allemand qui a combiné un café et un magasin, comme si Starbucks rencontrait la Fnac. Une autre invention à leur attribuer : vendre des produits pendant une semaine seulement. L’exemple le plus utilisé : ils ont vendu plus de télescopes en 7 jours que toute l’Allemagne en 1 an.
Zappos, incontournable en conférences pour avoir repensé le service client en éliminant les scripts de vente et le temps de conversation limité et qui proposent aux jeunes recrutés un chèque pour partir pour vérifier leur motivation.

Mais voilà, je pense que vous êtes d’accord aussi si vous êtes-là : on se fiche d’avoir une omelette ! Ce qui est plus intéressant et qui permet de reproduire la recette chez nous est de connaître la liste des ingrédients, les outils utilisés par le cuisiner, sa cuisine et le cuisiner lui-même !

 

L’environnement de l’innovation

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Je ne vais pas vous emmener sur le terrain du biais du survivant qui explique que les réussites extraordinaires de certains visionnaires sont cités en exemple alors que leur réussite dépend d’abord d’un contexte précis qui ne se reproduira sans doute jamais plus.

En dépassant le cadre de l’entreprise, intéressons-nous à son environnement avant de nous intéresser à tous les éléments qui facilitent l’innovation : la culture d’entreprise, son business model, ses valeurs et le style de management utilisé commençons par identifier les 3 principales forces entourant l’entreprise.

La concurrence

Qui sont les concurrents actuels, les nouveaux entrants, les produits ou services qui peuvent se substituer au produit de l’entreprise ?

Lorsque quelqu’un cite Gillette, on oublie souvent que l’entreprise perd des parts de marché chaque année à cause de la disruption de son marché via notamment Dollar Shave Club qui propose à qualité égale des prix plus attractif et la livraison à domicile.

Les forces sectorielles

Quelles sont les transformations actuelles de votre marché ? Quels sont les segments de marché qui s’accroissent et ceux qui diminuent ? Quels sont les liens avec vos clients et le coût de vous quitter ?

Pendant des années, Nespresso était connu pour son business model de « l’otage » où une fois que vous aviez acheté la machine adaptée, vous ne pouviez plus quittez plus la marque avant que celle-ci ne tombe en panne. Ce qui n’est plus vrai désormais car 1) Les machines sont moins chères et 2) Les concurrents proposent aussi des capsules.

Les tendances

Quels sont les grandes tendances, technologiques, sociales, sociétales, économiques, politiques, environnementales etc (cf Trendstorming) qui pourraient menacer ou favoriser votre entreprise ?

Tchibo a clairement surfé sur la crise (tendance sociétale) et la recherche du meilleur prix, jusqu’à ce que les discounter proposent les mêmes offres…

La culture de l’innovation

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L’approche par l’environnement (Tendances, etc.) dans lequel a été réalisé une innovation donne une première réponse au contexte de celle-ci et permet de savoir quelles innovations peuvent être répétées de celles qui dépendent tellement d’un environnement économique qu’elles resteront uniques (iphone, one-click…).

Une innovation qui réussit dépend de l’environnement de celle-ci, ok, maintenant, la concrétisation d’une idée plutôt qu’une autre dépend surtout de l’environnement managérial qui règne dans l’entreprise et de ses valeurs, bref, en simplifiant : sa culture.

La culture de l’innovation…ben….ça n’existe pas

Je ne vais pas entrer dans el détail de la culture d’entreprise ou de la culture de l’innovation, d’abord car 1 ) C’est un blog, pas un ouvrage de la pléiade, et ensuite 2) Parce que la culture de l’innovation…ben….ça n’existe pas.

Une culture de l’innovation est issue du cumul de plusieurs traits culturels qui sont valorisés tandis que d’autres sont minimisées.

Pour rendre l’explication plus facile regardez ci-dessous le « Culture framework » adapté d’un article de HBR de janvier 2018 écrit pas B. Groyberg, J. Lee, J. Price & J.Y-J. Cheng.

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La culture de l’innovation est un mélange de 6 traits culturels – sans doute déjà présent dans votre entreprise – mais qui sont volontairement plus soutenus que les autres.
Caring
 : Travail en équipe, collaboration confiance et sens d’appartenance
Purpose : Diversité, responsabilité sociale et environnementale (optionnel pour l’innovation mais fortement désirable !)
Learning : Innovation, apprentissage régulier, agilité et liberté d’apprendre
Fun : Engagement, créativité, exploration et écoute des autres
Result : Exécution des idées favorisées, mesure de l’impact des idées
Authority : Décision rapide et assumée, réactivité aux crises ou aux menaces

Au passage, il reste :
Safety : Gestion améliorée des risques, recherche de stabilité dans l’organsiation et les process
Order : Efficacité opérationnelles, obéissance , réduction des conflits et importance des règles

Les inventeurs

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Et enfin, les êtres humains en question. Ceux qui sont vraiment à l’origine des idées qui mènent à ces innovations.

En fait, si vous écoutez les interviews que je mène dans le cadre de mon émission Youtube « No one is innovant » je pose toujours les même question pour comprendre qui est derrière l’idée qui a mené à l’innovation ou invention :  Comment vous est venu cette idées ? Quels obstacles avez-vous dépassés ? comment vous sentez-vous maintenant ? etc.

Ce sont des individus, et les méthodes qu’ils utilisent, qui créent l’innovation dans les organisations, pas les process ! Comme l’aurait dit Archimède : « Donnez-moi un point fixe et un levier et je soulèverai la terre ».

Les créateurs ne sont pas les gens les plus intelligents, les plus actifs ou les plus créatifs. Ce sont des gens qui à un moment donné apportent leur volonté, leur attention, leur temps, leurs compétences et leurs appétences à la réalisation de leur idée.

Derrière Zappos, vous avez Tony Hsieh qui croit intimement que son rôle est de rendre ceux qui travaillent pour lui…heureux. Derrière le « One-click » d’Amazon, se trouve aussi un collaborateur d’Amazon (Qui pour l’instant semble encore dans l’anonymat…à moins que vous n’ayez son nom et dans ce cas-là, je vous invite à le partager en commentaire)..

 

 

Tout mon travail n’est finalement pas sur l’innovation en tant que sujet, mais en tant que résultat d’un environnement propice à l’éclosion de celle-ci, car finalement, l’innovation n’est qu’un effet de bande.

Il faut absolument lâcher les personnages mythiques de Edison à Jobs pour s’intéresser aux héros et aux anti-héros de l’innovation de tous les jours. Plus spécifiquement, sur les rôles qu’ils ont pu jouer pour faciliter, ralentir ou freiner l’innovation.

 

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